La Naissance de Vénus

Sandro Botticelli

Peinture à la détrempe sur toile peinte vers 1485
Dimensions : 172 x 278 cm
Visible au Musée des Offices de Florence

La Naissance de Vénus tableau peint par Sandro Botticelli vers 1485
La Naissance de Vénus tableau peint par Sandro Botticelli vers 1485

Peinte en 1486, la Naissance de Vénus destinée à orner une villa, propriété d'un cousin de Laurent de Médicis, était, comme son pendant le Printemps, l'illustration d'un poème de Politien, écrivain préféré des Médicis. Politien n'avait fait qu'adapter un thème de la mythologie classique. Déesse de l'amour, Vénus, née de l'écume marine au large de la côte phénicienne, vogue vers Chypre flottant en sur une conque.

Botticelli a représenté Vénus, dans l'attitude traditionnelle, sous les traits d'une femme humble et pudique ; dans l'angle gauche, ses parents Jupiter et Diane lui communiquent le souffle de vie. Encore exécutée selon la technique de la détrempe et, par conséquent, antérieure à l'adoption généralisée de la peinture à l'huile, cette œuvre est un parfait exemple de l'art du début de la Renaissance.

Dans la plupart de ses compositions mythologiques, Botticelli semble s'être inspiré des poèmes de Politien. Celui-ci, dans un passage de ses Stanze, a décrit en termes heureux la naissance de l'Anadyomène. Il y montre « la jeune femme au divin visage dont les Zéphyrs lascifs poussent vers la terre la conque flottante, et le ciel en paraît tout joyeux ».

Sur le rivage, les Heures, en robe blanche, « dont la brise fait boucler la souple et flottante chevelure, » accueillent la déesse et lui tendent un vêtement parsemé d'étoiles. Debout sur sa conque marine, au milieu des eaux écumantes, l'immortelle retient d'une main ses longs cheveux, elle couvre de l'autre sa poitrine charmante, « et partout où se pose son pied sacré et divin, la grève se pare d'herbes et de fleurs ».

Botticelli s'est évidemment souvenu de ces vers en peignant son admirable tableau de la Naissance de Vénus. Il n'en a omis aucun détail et l'on voit, suspendus dans les airs, des Zéphyrs ailés qui soufflent à pleins poumons pour pousser vers la rive le frêle esquif de la déesse, pendant que de gracieuses jeunes filles se pressent vers elle pour couvrir ses blondes épaules du riche manteau étoilé. Quelle ravissante peinture que celle-là et quelle poétique interprétation le peintre a su donner à la gracieuse légende. Vénus, déesse de la beauté et de l'amour, vient de surgir, radieuse et délicate, de l'écume des flots elle est bien la fille de l'onde chantée par les poètes. Sur son corps charmant, encore humide des perles liquides de la mer, est répandue une sorte de clarté nacrée qui compose un magnifique écran aux formes graciles et à la rayonnante beauté blonde de la naissante divinité.

Il semble à peu près démontré, écrit M. Charles Diehl, que Botticelli a modelé sa Vénus d'après une statue antique conservée à Florence dans les collections des Médicis. Mais sur ce corps d'immortelle il a mis une tête qui n'a rien gardé de la sérénité classique. Sur ce visage irrégulier, dans ces grands yeux pensifs, on trouve une expression toute moderne de rêverie mélancolique, presque doulou-reuse. Et semblablement, malgré les roses qui pleuvent autour de la déesse, malgré les rehauts d'or qui décorent sa conque marine, ce n'est point dans une allégresse triomphante de la nature que Vénus se révèle au monde. Le ciel froid et pâle, la mer sombre que n'illumine aucun rayon de soleil, donnent à l'oeuvre une tonalité grave, un peu triste. Il y a dans ce tableau, où devrait s'exprimer toute la joie de vivre, comme un écho du vers mélancolique du Magnifique : Di doman non c'è certezza. « Et ce n'est point là simple hasard ou bien imagination de commentateur trop subtil. Ce même type de la Vénus, cette même expression, Botticelli les donnera vers le même temps à toute une série de figures de Madones, et ce trait fait pressentir l'évolution qui s'accomplissait alors dans son âme et dans son génie. »

Quant aux qualités techniques de cette ceuvre maîtresse, digne du fameux Printemps, elles sont de tout premier ordre. La couleur ordinairement un peu froide de Botticelli s'échauffe jusqu'aux tonalités profondes et sourdes, se fond en une harmonieuse variété qui rappelle un peu le faire vénitien. Le dessin, parfois indécis en d'autres toiles, est ici d'une ligne parfaite et d'une rare beauté : il est impossible de déployer plus de grâce aisée unie à plus de science que n'en a mis Botticelli pour peindre les Zéphyrs suspendus dans le ciel. Et que dire de la Vénus, si belle dans sa triomphante nudité qu'on pense, en la voyant, aux plus rares joyaux de la statuaire antique ? Il n'est peut-être pas de peintre qui ait subi, plus que Botticelli, l'influence directe de son temps. Comme Florence, sa ville natale, il sentait se combattre en lui les deux forces opposées du mysticisme chrétien et de la renaissance païenne. Et cette lutte fit de lui un peintre à la fois religieux et profane, qui ne fut ni franchement chrétien ni nettement païen et qui mêla le plus étrangement du monde la ferveur et la grâce dans les mêmes personnages. Mais l'influence qui prédomina en lui fut celle des humanistes ; il dut le meilleur de son inspiration à la littérature. Le peintre mythologique l’emporta toujours sur le peintre des Madones. La plupart de ses sujets, il les a puisés dans les écrits de Dante et de Boccace ; il s'est complu à traduire les visions charmantes des peintres ses contemporains et la grâce élégante des fables antiques. Aussi est-il, parmi les maîtres de son temps, celui «qui a le plus pleinement éprouvé la séduction des mythes païens, celui chez qui l'enthousiasme classique, passion maîtresse de la société des Médicis,a trouvé sa plus complète te expression ».

La Naissance de Vénus avait été peinte par Botticelli pour Lorenzo di Pier Francesco, cousin de Laurent de Médicis, et fut transportée aux Offices en 1815.